L’Union européenne a approuvé vendredi des exemptions aux sanctions sur le transport maritime d’engrais et de denrées alimentaires qui visent à faciliter les transactions de produits agricoles, d’engrais et de fertilisants russes vers des pays tiers et qui, en pratique, profiteront aux oligarques russes.
À la suite de la décision prise jeudi lors du sommet des dirigeants européens concernant le neuvième cycle de sanctions contre la Russie en représailles à son invasion de l’Ukraine, le bloc autorisera l’accès aux ressources financières gelées pour les propriétaires d’entreprises clés du secteur des engrais ou de l’alimentation, facilitant ainsi les efforts des autorités portuaires qui s’efforçaient désormais de traiter des transactions susceptibles de violer les sanctions européennes.
Les séries successives de sanctions européennes à l’encontre de la Russie n’ont jamais affecté des secteurs tels que le commerce des engrais ou des produits agricoles russes, mais aujourd’hui, l’UE, poussée par six États membres ayant des intérêts portuaires, indique explicitement dans les sanctions des exemptions pour les personnes ayant des activités importantes dans ce secteur afin de faciliter la gestion des transactions commerciales. Cela permet de dégeler certaines ressources économiques «nécessaires» à l’achat, à l’importation ou au transport de produits agricoles et alimentaires, notamment le blé et les engrais.
Pour éviter que cette mesure ne devienne une échappatoire que les oligarques russes pourraient utiliser pour contourner les sanctions, seuls les individus qui avaient une activité pertinente dans le secteur avant d’être sanctionnés pourront bénéficier des exemptions, ont expliqué des sources diplomatiques.
COMPTER LA NARRATIVE RUSSE Bruxelles n’est pas en mesure de donner une estimation du nombre de personnes qui bénéficieront de la mesure, mais insiste sur le fait qu’il s’agira d’une poignée de personnes qui contrôlent le secteur, qui facilitera la majorité des transactions. En principe, des oligarques tels que Moshe Kantor, actionnaire de l’un des plus grands fabricants d’engrais de Russie et lié au président russe Vladimir Poutine, et divers dirigeants de la société d’engrais EuroChem tels que Vladimir Rashevski et Andrei Melnichenko devraient bénéficier de la mesure.
«Cela ne signifie pas que 100 % des transports seront effectués facilement, mais la majorité sera mieux gérée», expliquent ces sources, qui indiquent que l’objectif est de fournir une sécurité juridique et une marge de manœuvre aux autorités nationales pour appliquer les sanctions.
Outre la dimension pratique et le soutien aux pays tiers, l’assouplissement d’un aspect très spécifique des sanctions vise à contrer le récit russe selon lequel les sanctions européennes provoquent un manque de sécurité alimentaire dans les pays d’Afrique et du Moyen-Orient, une critique récurrente de l’UE dans ses rencontres avec les pays tiers.
Les sources reconnaissent que, dans une certaine mesure, les sanctions ont affecté les expéditions de produits alimentaires et d’engrais russes, mais que l’impact a été «limité» et dû à la bureaucratie dans les ports européens. «Si nous n’avions rien fait, ce récit aurait été alimenté, et maintenant nous avons montré que le récit russe est un non-sens absolu», a-t-il conclu.
Les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne et la France ont estimé que la situation juridique actuelle contribuait aux critiques selon lesquelles les sanctions entravent en fait le commerce des denrées alimentaires et des engrais. C’est pourquoi, dans le cadre des négociations du neuvième cycle de sanctions, ils ont demandé l’introduction de ces exemptions.
Ils ont demandé «d’urgence une exemption pour les produits agricoles, y compris les engrais soumis à des mesures sectorielles restrictives, en précisant que les mesures de gel des avoirs ne devraient pas s’appliquer aux fonds ou aux ressources économiques qui sont strictement nécessaires à l’achat, à la vente, à l’importation, à l’exportation ou au transport de denrées alimentaires et de produits agricoles depuis ou via la Russie ou l’Ukraine», selon la proposition consultée par Europa Press.
Cette position a été combattue par la Pologne et la Lituanie, qui ont néanmoins réussi à garantir que la mesure serait étudiée au cas par cas et serait entre les mains des autorités nationales de chaque État membre. Cette dérogation est sans préjudice des autres mesures restrictives imposées à la Russie et à d’autres pays et des préoccupations respectives des États membres en matière de sécurité nationale, ont indiqué des sources diplomatiques.
Source: (EUROPA PRESS)